Le téléphone pleure
Ce matin, prise dans le tourbillon de la tournée, j'entends à peine mon téléphone sonner.
-"Madame l'infirmière, c'est madame X, excusez-moi de vous déranger, je vous appelle, voilà, c'était pour vous dire que mon mari est décédé hier soir donc c'était pour vous prévenir de ne pas venir ce matin."
Je reste sans voix, les bras ballants, plantée là, à côté de ma voiture. Son mari que j'ai vu la veille vient de mourir d'une crise cardiaque. C'est un monsieur chez qui je vais depuis quelques mois pour soigner un vilain ulcère. On se connaît bien. On discute de tout, de rien. On blague ensemble.
Que dire à cette femme qui vient de perdre celui qui partageait sa vie ?
-"Madame, je suis vraiment désolée. J'appréciais votre mari. Si vous avez besoin, n'hésitez pas."
C'est difficile de trouver les mots. Il faut garder sa place de soignant mais, à domicile les choses sont différentes. Les gens sont chez eux. On connaît leur famille, leurs habitudes et leurs petits secrets. On partage souvent bien plus qu'un simple pansement. Notre place est tout de même celui du soignant. On doit trouver le juste milieu, pas trop de distance ni trop de familiarité.
La conversation se poursuit un petit moment puis se termine. Je la laisse seule avec sa détresse mais que faire de plus ?
Ce matin, je me sens démunis. Est-ce cela soigner ? Entendre des mauvaises nouvelles et en annoncer aussi ? Prendre tout cela en plein visage mais rester professionnelle malgré tout ?
Ce matin, le téléphone pleure, comme il a déjà pleuré auparavant et comme malheureusement il pleurera encore sûrement.