Une horloge dans la tête

Publié le par La petite infirmière

Une horloge dans la tête

Une tournée n’est pas une longue ligne blanche que l’on suit jusqu’à la fin de la matinée. Non, elle est faite de courbes et de bosses, de rythmes effrénés, d’imprévus et de découvertes. Le déroulement de la journée prend parfois un tour inattendu.

Souvent, au début, tout marche comme sur des roulettes. J’enchaîne les prises de sang, les injections avec un timing serré certes mais respecté. J’entre, discute un petit moment en faisant le soin et puis je continue avec la petite satisfaction d’être dans les temps. Les prises de sang sont réussies du premier coup, chaque personne est levée, les papiers sortis sur la table. Tout est propice à un travail rapide et efficace.

Malheureusement cette situation idyllique est souvent de courte durée. Une légère odeur de roussi plane dans l’air. Cela commence souvent par un rendez-vous manqué au cabinet. J’attends dix minutes, personne ne vient. J’essaie de téléphoner, personne ne répond. Il n’y a plus de doute, un joli petit lapin a été posé. Pas grave, il en faut plus pour me démotiver. Pourtant les nuages tentent de s’installer dans le ciel serein de la matinée. La maison d’après semble aussi m’avoir préparé un lapinou parce que personne ne répond lorsque je sonne à la porte. Tant pis, je reviendrai dans un moment. Le stress commence à monter en même temps que le retard. Un soupçon d’espoir semble renaître avec les deux prochains patients chez qui tout roule. Mais, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Le monsieur suivant, une nouvelle prise en charge pour un pansement paraissant simple au téléphone s’avère beaucoup plus complexe et beaucoup plus long que prévu. Je passe un long, long moment en sa compagnie. Il fait très chaud dans la maison, sauna garanti. Je repars très en retard et dégoulinante de sueur avec la désagréable impression d’avoir une horloge dans la tête. Un écart et « dring », l’horripilante sonnerie me ramène à la réalité : « bouges toi les fesses ».

Être en retard, c’est aussi s’attirer les foudres des patients qui attendent. Le téléphone se met désespérément à sonner : « oui, oui j’arrive, je suis là dans cinq minutes », « non, monsieur, je ne vous ai pas oublié mais vous comprenez, il y a beaucoup de monde ce matin ». L’attente fait sortir les crocs à certains, et pas seulement parce qu’ils ont la dalle : « j’ai faim vous savez, vous aviez dit 8 heures et il est presque 8h30 ! ». Eh oui, madame mais on ne fait pas toujours comme on veut. Vous savez, il y a les autres patients qui ont parfois besoin d’un peu plus de temps. Il y a nous, les infirmières. Eh oui, on n’est pas des machines. Il y a le temps, la route et tous les autres obstacles. Alors, les « on doit faire le marché », « je déteste attendre pour mon petit déjeuner », « votre collègue, elle est jamais en retard » rajoute une couche supplémentaire à mon agacement. Et, toujours cette satanée horloge qui me fait accélérer le cœur et apporte en même temps que son tic-tac un désagréable sentiment de frustration. Celui de ne pas avoir assez de temps à consacrer à chacun.

Alors, aux chiottes la frustration, aux oubliettes le stress ! Tant pis, ceux qui râlent râleront, ceux qui doivent attendre attendront. Voilà ce que je vais faire : garder la tête froide et les idées claires, arrêter de penser que cette tournée ne finira jamais (elle va se terminer et heureusement). Et surtout, oui surtout laisser de côté mon horloge mentale et continuer la tournée.

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V
ah oui, ah lala, ces ituations je les connais bien, et bien s'ils sont pas contents, ils vont voir ailleurs, j'ai passé l'age de me faire engueuler comme une gamine
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