Elle va partir...(suite de l'article "Je vais partir...")
Elle va partir, elle va quitter son foyer. La situation n'est plus tenable aujourd'hui. Elle a perdu trop de poids. Elle ne mange plus et dort toute la journée. La maison est dans un état lamentable. Son aide ménagère fait ce qu'elle peut mais c'est difficile.
Nous avons pris la décision ensemble, mon frère et moi. Ça a été douloureux. Nous avons pensé la prendre chez nous à tour de rôle, mais travaillant tous les deux, elle aurait été seule malgré tout. Une vie de fou, ce n’est pas bon pour une dame âgée.
Je vois bien qu'elle ne veut pas partir mais que faire ? Moi non plus, je n’ai pas envie qu’elle s’en aille. J’aimerais remonter le temps, retourner en arrière et la voir sourire à nouveau.
Elle va partir, elle va quitter son foyer. On ne peut pas la laisser comme ça. C'est notre mère. La maison, son nid douillet, est devenue le lieu de tous les dangers. Elle peut tomber, mettre le feu, se blesser. Elle ne se rend plus compte. Nous l'avons regardée impuissants, se recroqueviller, se fermer au monde extérieur. Rencontrer de nouvelles personnes lui redonnera peut-être un peu de sa joie de vivre. Chez elle, elle voit peu de monde : son aide-ménagère, ses infirmières et les voisins qui passent de temps-en-temps. Le reste de la journée, elle est seule.
L'établissement que l'on a choisi est bien. Il y a un grand parc et des chambres lumineuses. Je sais bien que cela ne fera pas tout, mais j'espère qu'elle s'y plaira.
C'est un déchirement de l'enlever mais nous n’avons pas d'autres choix. Je lui ai promis de ne pas vendre la maison. Maman a une petite retraite et nous compléterons mon frère et moi. Pourvu que cela suffise. Si l'on doit se séparer de la maison, elle ne nous le pardonnera pas. Je la regarde, assise à sa fenêtre pendant que je m'agite autour d'elle. À quoi pense-t-elle ? Cela va être un grand changement pour elle, passer de son foyer à cette petite chambre. Elle qui n’est jamais partie. Elle va s'y faire. Il le faut. On s’habitue à tout.
Nous n'avons plus le choix. Je l'aime tellement. J'espère qu'au fil du temps, elle comprendra. J'espère qu'elle ne nous en voudra pas. J'irai la voir aussi souvent que possible. Je lui emmènerai des roses, parce que c'est ce qu'elle préfère et aussi des chocolats, tant pis pour son diabète !
Elle va partir, elle va quitter son foyer. Elle a une place en maison de retraite.