Tomber, et se relever....
Revenons quelques années en arrière. Je viens d’avoir mon bac. Une nouvelle vie commence. À moi la liberté, les copains, les sorties, la fac. Je suis enfin étudiante et je commence à voler de mes propres ailes. Comme un oisillon à peine sorti du nid, je découvre l’indépendance avec un grand I.
Seulement voilà, l’euphorie est de courte durée : je suis en première année de médecine !
Là, au lieu d’apprendre les mots « liberté » et « oisiveté », j’apprends les mots « travail », « abnégation » et surtout « compétition ».
De la compétition, il va y en avoir : 40 places pour 500 inscrits, ce qui se résume à un peu moins d'un sur dix. Travail, je n’en ai jamais vraiment fourni jusque-là. Je me suis toujours débrouillée pendant ma scolarité pour assurer le nécessaire syndical ni plus, ni moins. Je comprends vite qu’il va falloir bosser, bosser et rebosser. Le nombre de cours à ingurgiter est faramineux ; l’intérêt, plus que douteux (formules de chimie à rallonge, définitions en tous genres…) !
Prendre les cours, essayer de se relire et avaler comme un boulimique la biomoléculaire, la chimie, la biophysique, la culture générale et tout le reste. Faire des QCM. Aller à la bibliothèque et s’inscrire à des cours particuliers (si on a les moyens bien sûr !). Ma vie se résume à cela : noter, copier et surtout réviser du matin au soir et du soir au matin. Pas vraiment la vie d’étudiante à laquelle je rêvais !
Je tiens le coup. Passe les partiels de janvier et continue la tête dans les livres et dans le guidon. Jusqu’à la fin de l’année, jusqu’à l’examen de juin, ma vie entière se résume en un mot : REVISIONS.
Ne me parlez plus de stabilo, de feuilles A4 et de dictaphone. Ne prononcez plus les mots : « bizut » et « QCM », ils me sortent par les trous de nez. Au moment de l’affichage des résultats, je vais découvrir une chose qui m’est totalement inconnue jusque-là : l’échec ! Pas de « petite infirmière » dans les quarante reçus. Non, bien au-delà (au moins une bonne vingtaine de places derrière !), j’aperçois mon nom avec une moyenne de 13/20. Pas mal me direz-vous ? Oui mais le dernier pris remporte son ticket pour la deuxième année avec la modique note de 14.5/20 ! Autant dire, un fossé ! Toutes ces heures de travail pour finir à une année-lumière du podium.
Je ne serai pas médecin parce que j’ai oublié une molécule d’hydrogène à ma formule de chimie. Je ne serai pas médecin parce que j’ai coché la case B au lieu de la C au QCM. Je ne serai pas médecin parce que je n’ai pas travaillé le soir de Noël et du jour de l’An et que c’est peut-être cela qui a fait la différence (texto ce que l’on m’avait dit à l’époque !). Je ne serai pas médecin parce que le numérus clausus en a décidé autrement. Les quarante premiers ne feront pas tous de bons professionnels. Ils n’ont pas forcément la vocation. Le quarante-et-unième aurait peut-être fait un admirable médecin de campagne. C’est cela la douce réalité du numérus clausus. Transformer de gentils élèves en bêtes à concours. Plus performants mais moins humains. Le comble pour une profession dont la finalité est de soigner !
Faire médecine m’aura en tout cas appris une chose : à gérer un échec. À tomber tout en bas mais surtout à se relever. Ce qui compte c’est se relever et rebondir. Faire médecine m’aura permis d’être infirmière. Ça a été ma façon de rebondir et je ne le regrette pas.