Une invitation au voyage...
Ce matin-là, lorsque je me suis approchée de cette maison, lorsque j’ai frappé à la porte, il planait dans l’air un doux parfum d’Océan Indien. En entrant, la propriétaire des lieux m’accueillit avec un accent créole que je ne connaissais que trop bien. J’étais soudain propulsée à des milliers de kilomètres, sur ce petit bout d’île que j’aimais tant.
-« Je voulais vous demander, vous n’êtes pas de la Réunion ? J’ai reconnu votre accent…
- Oui, ma p’tite dame. Ou kos creole ? I fé plézir woar a zot (Vous parlez créole ? Je suis contente de vous voir) ». me répondit-elle en créole, ce qui me fit faire un bon en arrière de quelques années.
Que c’était bon d’entendre cet accent si particulier, ce phrasé qui ne ressemble à aucun autre. C’était comme m’asseoir sur un coussin moelleux, comme manger de la guimauve ou prendre un bon bain chaud. C’était aussi, prendre en plein visage une pelletée de nostalgie. Retrouver un peu de la Réunion à travers cette dame me faisait réaliser que l’île me manquait. Pas tant la vie que j’avais eue là-bas mais principalement ses habitants. Tout chez elle, respirait la Réunion. De la nappe malgache posée sur la table de la cuisine, aux bibelots, sans oublier le « chien-péi » ("croisé porte et fenêtre", une sorte de labrador mais avec des pattes hautes comme trois pommes et une couleur de pelage improbable). Le voyage était garanti. Je fermais les yeux et me laissais bercer par sa voix, transportée bien loin de la campagne, de la tournée, du soin que je venais de réaliser vers des contrées lointaines, teintées de nostalgie. Je serais restée toute la journée si j’avais pu, assise-là, à l’écouter me raconter son exil, son installation il y a une vingtaine d’années pour suivre son mari, ses retours épisodiques « au pays » pour les fêtes de Noël. Je suis repartie un moment après, parce qu’il fallait continuer en la remerciant de m’avoir permis de voyager avec elle.
-« Ou retourn manger ti carri ! (Tu reviens manger un carri) » me cria-t-elle lorsque je fis demi-tour dans la cour.
Je continuais ma journée, le cœur rempli et la tête dans les nuages. C’était comme une parenthèse ensoleillée dans le ciel gris de cette matinée.
C’est aussi cela le libéral, retrouver un pays que l’on a laissé voilà de nombreuses années et surtout découvrir de nouvelles cultures. On sonne à une porte qui ressemble à toutes les autres et la magie opère. En une fraction de seconde, on est propulsé vers des contrées lointaines. J’aime emmener dans ma valise un petit peu de chaque patient qu’il soit originaire d’ici ou d’ailleurs. Rencontrer des personnes de tous horizons est une invitation au voyage. Un voyage fait d’expériences, d’habitudes de vie, de langages et de cultures.