Les princesses aussi font caca !
Je sonne à la porte et c’est son mari qui vient m’ouvrir.
- Ah, je vous attendais parce que je n’ai pas réussi à la bouger et là elle n’est pas bien du tout.
Le temps de me laver les mains en vitesse, je suis au chevet de ma patiente aussi rapidement que Wonder Woman tournant sur elle-même pour enfiler son mini short !
- Ça va pas ce matin. Me suis toute salie. Pas eu le temps d’appeler mon mari.
Elle dit cela dans un sanglot parce qu’elle se rend bien compte que tout devient difficile et que ses jambes ne la porteront plus désormais.
Je la tourne sur le côté et commence la toilette. La dame ne cesse de s’excuser et moi de lui dire de ne pas s'en faire. Pourtant la gêne semble la plonger dix pieds sous terre alors j’essaie de lui parler d’autre chose juste pour mettre un peu de légèreté. Voyant un magazine ouvert près de son lit, je l’interroge sur les derniers potins. C’est un magazine avec plein de têtes couronnées parce que la dame adore ça, les rois et les reines. Alors, elle se met à parler d’un tel qui va se marier (en Angleterre je crois !), d’un tel qui a eu un enfant. Comme mes connaissances sur le sujet sont à des années-lumière de celles de Stéphane Bern, que pour moi « princesse » se résume à Stephanie de Monaco et son « Ouragan », je l’écoute me raconter les dernières histoires de sceptres et de paillettes. Je continue le soin plongé dans l’univers royal de ma patiente.
Une fois remise au propre, la dame recommence à se confondre en excuses. Les têtes couronnées sont à nouveau bien loin. Dans la chambre, la maladie reprend le dessus et nous écrase comme une chape de plomb. Le regard de la dame se brouille à nouveau.
Alors pour mettre une nouvelle fois un peu de légèreté, simplement pour éclaircir le ciel ne serait-ce que l’espace d’un instant, je lui lance :
- Vous savez les princesses aussi font caca et pas que des paillettes !
La dame lève les yeux en souriant et son sourire balaye la maladie. Pas longtemps, juste quelques secondes le temps d'un jet de paillettes, celui que l'on tient serré dans le creux de sa main, que l'on lance le plus haut que l'on peut pour le voir retomber en pluie scintillante.
Oui, finalement elles sont comme nous tous, les princesses : lorsqu’elles sont coincées au fond de leur lit, dépendantes d’autrui pour tous les gestes même les plus intimes, elles ne sont rien d’autre que des êtres humains. Se rappeler de temps en temps que nous sommes tous faits pareils permet de remettre les choses à leur place, de reprendre confiance et de continuer à se battre.