Transmission...

Publié le par La petite infirmière

Transmission...

J'étais confortablement installée (liquéfiée) dans ma chaise longue, profitant des tout derniers moments de mon tout dernier jour de vacances.

J'avais bien l'intention de ne laisser s'échapper aucun instant parce que les vacances qui étaient passées en un éclair allaient s'achever à la nuit tombée. Je luttais intérieurement contre le « blues du dimanche soir » qui semblait décider à pointer le bout de son nez. Vous savez cette satanée mélancolie qui nous fait traîner des pieds en ronchonnant un « j'ai pas envie d'y aller » aussi déprimant que les cris déchirants d'une meute de loups ! Ce n'était pas tant d'y aller qui finalement me dérangeait le plus, c'était de reprendre le rythme et de se lever tôt. C'était de se remettre à courir dans tous les sens en tentant (désespérément) de respecter un timing plus que serré. C'était de sortir du lit en ayant la sensation d'y être à peine entrée.

J'attendais donc au soleil le coup de téléphone qui me ramènerait illico presto à la réalité (du moins à celle du lendemain et des jours suivants) : le passage de relais communément appelé les transmissions, aussi indispensables dans notre profession que la crème solaire sur une plage de Méditerranée en plein mois d’août  ! Les transmissions qui permettaient d'être au courant de tout ce qui se déroulait durant la tournée et de ne pas avoir l'air d'une buse devant les patients !

J'avais auparavant rédigé un semblant de liste pour les soins du lendemain, histoire d'épargner à ma collègue des répétitions inutiles (« Vous pouvez répéter la question ?!!! »). Pendant que je me remémorais la tournée, je revenais peu à peu à la réalité en ayant la sensation bizarre d'être un genre d'Hibernatus revenant à la vie après une cinquantaine d' années dans un bloc de glace !!! Lorsque le téléphone a sonné (enfin), je décrochais le combiné avec la rapidité d'un Kylian Mbappé lancé à pleine vitesse (ben oui, il cours vite) ! J'ouvrais grand les oreilles. Je gardais l'esprit concentré et le poignet souple. J'étais prête à dégainer mon stylo et à tout noter de A à Z. Après quelques minutes de discussion sur les bienfaits des vacances (oh combien méritées !), nous sommes passées aux choses sérieuses. J'écoutais attentivement ma collègue me raconter les événements marquants de la semaine. Nous avons établi la tournée du lendemain qui avait quelque peu évoluée : certains avaient été ajoutés et d'autres s'étaient terminés. Aucun changement majeur mais des petites choses çà et là qui me faisait voir la tournée sous un jour nouveau. J'allais devoir me présenter à certains, prendre les choses en cours de route, découvrir ou redécouvrir bref, me réadapter. Tout cela me paraissait si proche et si lointain à la fois. Je notais en face de certains noms : « prendre les pansements au cabinet », « facturer pour après-demain », « prendre le chemin à droite puis descendre... », histoire de ne pas être (trop) paumée.

Au fil de la conversation, la tournée me paraissait de plus en plus familière. Plus nous en parlions et plus je me réappropriais mon travail : un peu comme un sas de sécurité entre deux mondes, entre deux vies qui n'en faisaient qu'une au final.

Les transmissions étaient maintenant terminées et je posais la toute dernière et plus difficile question : est-ce que quelqu'un avait disparu ? Une sorte de rituel étrange et déroutant qui faisait pourtant partie de notre quotidien : le soin, la maladie, l'accompagnement, la mort.

Le téléphone raccroché, je regardais ma montre : une bonne demi-heure s'était écoulée. Une demi-heure pour se remettre dans le bain, pour réintégrer ce qu'il y avait à faire. Une demi-heure indispensable, comme un passage de flambeau parce que désormais, c'était mon tour jusqu'à la prochaine transmission...

 

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