Fortnite et compagnie...

Publié le par La petite infirmière

Fortnite et compagnie...

J'ai vu tout de suite qu'il n'était pas très à l'aise lorsque je suis entrée dans sa chambre et que je me suis présentée : " je suis venue faire ton pansement, on se verra presque tous les jours pendant quelques temps, bla bla bli, bla bla bla...." Il me regardait d'un drôle d'air, mi effrayé mi intrigué en souriant poliment. Il n'a pas ouvert la bouche pendant tout le soin. 

Le lendemain : rebelote. J'ai à peine pu entendre le son de sa voix. 

Le surlendemain, je suis arrivée un peu plus tôt. Il était installé par terre dans sa chambre et jouait à la console, un casque vissé sur les oreilles. Je l'entendais glousser depuis le rez-de-chaussée. Lorsqu'il m'a vu, il a enlevé instantanément son casque en bredouillant un "scusez-moi" à peine audible. Pendant qu'il s'installait, je reluquai sa console du coin de l'œil. 

- Tu joues à quoi ? 

Il a eu l'air étonné que je lui pose la question mais me répondit instantanément :

- À Fortnite. Vous connaissez ?

Son comportement avait déjà changé et son visage semblait plus détendu.

- Oui, vaguement. Tu as quel skin ? J'avais bien articulé en disant S-K-I-N genre "t'as vu, j'suis pas la moitié d'une débile. J'm'y connaît en jeux vidéos " ! 

- Terreur fluo !

J'ai dû faire une drôle de tête parce qu'il a tout de suite vu que je ne savais pas mais alors pas du tout ce qu'était "terreur fluo". Il s'est installé sans rien dire pour le pansement. Le silence avait de nouveau envahi la chambre et il s'était refermé comme une huitre. J'avais envie de détendre l'atmosphère en lui sortant  : " ah oui, "terreur fluo", c'est le nom que je donnais au Kway que ma mère m'obligeait à porter en 1985 !" mais je décidai de tenter une autre approche. Je voulais conserver le lien fragile que nous venions d'établir. Je me sentais dans la peau d'Eliott qui tente d'entrer en contact avec E.T pour la première fois. 

- Explique-moi comment ça se passe dans le jeu... Tu dois être le dernier survivant sur les cent joueurs, c'est bien ça ? 

Je tentais de me souvenir de ce que mon grand m'avait raconté de ce jeu. Tout les jours, je le voyais s'exciter devant sa console. Tous les jours, je lui répétais que c'était l'heure d'arrêter, que l'on allait bientôt manger ou qu'il fallait qu'il aille se doucher. Je m'énervais la plupart du temps (voir devenais carrément hystérique) lorsqu'il me répondait "oui, m'man dans cinq minutes, je termine ma game" ! Une seule fois, j'avais pris le temps de m'asseoir à côté de lui et il m'avait expliqué cette chose bizarre sur laquelle il passait le plus clair de son temps. Alors, devant cet autre ado, j'ai essayé de me souvenir de ce que mon fils m'avait dit et cela a marché. La conversation s'est enchaînée naturellement et ses paroles sont devenues fluides. Il n'était plus gêné ou intimidé parce que j'avais fait un pas en direction de son univers. Le soin s'est terminé dans la bonne humeur devant le regard de la maman qui semblait toute étonnée de nous voir, son fils et moi, papoter "jeux vidéos" comme si nous parlions de la pluie et du beau temps autour d'une tasse de thé. En quittant la maison, je me suis promis de m'intéresser un peu plus à l'univers bizarroïde de mon ado. Dès mon retour de tournée, je lui proposerai de me faire essayer une petite partie de Fortnite. Pas longtemps, juste quelques instants, histoire de connaître un peu plus ce qui rendait dingues des centaines (que dis-je des milliers) d'ado. Juste quelques instants pour partager un peu de son quotidien. Je ne promets pas de ne plus jamais m'énerver, ni de cesser de jurer comme un charretier parce que cela me fait ch.... que mon grand resté scotché des heures devant cette frénésie Fortnite mais si cela permet de se rapprocher un peu de ces extraterrestres que sont les ados, je veux bien faire un petit effort !

 

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K
Entrlè, et facile, mais en sortir ! Est très complexe, il faut oublier Dolto, Lacan.
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