Un si grand petit homme...

Publié le par La petite infirmière

Un si grand petit homme...

La maison était très isolée, perdue au beau milieu des bois avec pour seuls voisins : des arbres, encore des arbres et rien que des arbres... J'avais mis un moment pour la trouver. Le chemin pour y parvenir était un petit chemin de terre s'étirant sur plusieurs centaines de mètres et la densité des arbres faisaient de la maison un endroit presque secret. Je me garai et jetai un oeil au jardin parfaitement entretenu. Je frappai à la porte et un homme vint m'ouvrir. "Hello !" me lança-t-il en souriant sous sa barbe blanche. Il devait avoir une soixantaine d'années, peut-être plus et je le depassait d'une bonne dizaine de centimètres. Il avait subi une "petite" intervention et je me rendais chez lui pour réaliser un pansement quotidien.

Il me fit entrer en s'excusant pour (selon lui) son français pas tout à fait correct. Il maîtrisait en réalité parfaitement la langue et son accent néerlandais faisait chanter les mots.

 

  • Vous êtes de Hollande ?

  • Oui et non... Oui parce qu'en effet c'est une partie de mon pays et non, car je suis originaire des Pays-Bas, mais pas de la région hollande !

     

Il souriait toujours et s'exprimait d'une voix délicate. Je lui rendis son sourire. Il se dégageait de lui une impression de sérénité qui aurait transformé le pire des grincheux en un agneau tout mignon. De la maison émanait également une sensation de bien-être. Chaque recoin était décoré avec soin et un air de musique classique s'envolait d'un tourne-disque. C'était le genre de maison dans laquelle j'aurais passé volontiers ma journée avachie dans un fauteuil moelleux.

Le soin terminé, je lui demandai s'il habitait ici depuis longtemps.

  • Non seulement quelques mois, avant j'étais aux Pays-Bas. Je voulais cette vie solitaire. J'ai des voisins aimables. Je connais quelques personnes qui peuvent m'aider si j'ai besoin, me répondit-il toujours en souriant.

  • Oui, je comprends. Moi aussi, je vis dans un coin isolé, mais parfois, c'est un peu dur surtout l'hiver. Il faut faire la démarche de voir du monde parce qu'il n'y a personne à la ronde.

Il continuait à sourire, ses yeux noirs pétillaient :

  • En fait, j'aime cette vie. Ici, mon univers se réduit à quelques mètres autour de ma maison. Je ne fais qu'une poignée de kilomètres pour aller me ravitailler et j'essaie de me déplacer qu'en cas d'extrême nécessité. Cela me suffit. Le monde est trop grand pour moi maintenant. Il est si compliqué. Ici, je peux me concentrer sur l'essentiel : écouter de la musique, boire un verre de bon vin, me promener dans mon jardin et regarder la nature s'animer. Il n'y a qu'une seule chose qui me manque...

J'étais pour ainsi dire pendue à ses lèvres et lui demandai ce qui lui manquait.

  • Des discussions profondes, voilà ce qui me manque. Comme celle que nous avons actuellement.

Le temps suspendu fit flotter ses paroles comme une douce mélodie. Je me sentais ressourcée par ses mots. Des mots simples qui effacent pour quelques instants toute la noirceur du monde. Ce monde parfois trop grand, trop compliqué qui tend à nous convaincre d'oublier l'essentiel : une discussion, de la musique, un verre de bon vin autour d'un repas entre amis, des gens que l'on aime...

Publié dans Un brin de poésie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Quelle sagesse! Merci pour cet article, si beau et si vrai!<br /> Merci, gentille " Petite" infirmière dans la prairie".<br /> Je suis ancienne IDE, cadre de Santé de 65 ans et je vous ai rencontré lors d'un reportage sur TF1. <br /> Merci de prendre du temps pour partager dans ce blog.<br /> Bonne soirée.
Répondre
L
Merci à vous...