Ranger le sapin... Et penser à la mort...
"Cette année, je n’y penserai pas". C’est ce que je me suis dit en décrochant une à une les boules et les guirlandes qui semblaient s’agripper avec force au sapin.
J’avais un peu de temps devant moi avant de repartir en tournée alors je me suis lancée dans le démontage de l’arbre de Noël. Celui-ci avait été particulièrement réussi cette année et ce coup-ci, Noël à la maison oblige, nous en avions profité. Tous les soirs, durant ses trois semaines d’existence, il avait illuminé la pièce, apportant un je ne sais quoi de féerie.
Maintenant, je lui tordais le cou pour le démonter. Je pliais une à une ses branches. Je le privais de tout scintillement et le contorsionnais pour pouvoir le faire rentrer dans son carton tout en me disant que Noël passait quand même sacrément vite et que l’année prochaine, j’essaierai d’en profiter encore plus.
C’est à cet instant que cette putain d’idée récurrente a traversé mon esprit alors que je m’étais promise de ne pas y penser cette année : « J’espère que je serai là pour voir le sapin l’année prochaine. J’espère que tout le monde sera là ». Voilà ce que mon esprit s’acharnait de répéter toutes les années au moment de retirer les décorations du sapin. Une pensée morbide que j’avais dû mal à écarter parce que mettre le sapin au grenier ou l’enterrer dans le jardin, revenait à faire disparaître la magie de Noël jusqu’à l’année suivante. La perspective d’une année entière où la vie peut basculer à tout moment me revenait chaque année comme un boomerang. Un éclair de lucidité au milieu du scintillement des boules et des guirlandes. Un brin de mélancolie au moment du bouquet final. Petite déjà, lorsque mes sœurs et moi déshabillions le sapin, je faisais malgré moi une petite prière mentale de protection afin que rien ne change, afin que nous soyons tous là l’année suivante pour parer l’arbre de mille lumières. Avec les années, cela n’a pas changé. J’ai toujours cette pensée au moment de commencer une nouvelle année, un pincement d’appréhension devant l’inconnu qui se dresse devant moi. Puis, comme toujours, parce que je préfère le verre à moitié plein, je ferme les yeux et chuchote à mon esprit torturé que tout va bien se passer...