Journal de la prairie jour 17
Aujourd’hui, ce sera une anecdote qui m’est arrivée pendant ma tournée de ce matin. Un truc banal, mais qui m’a sacrément remuée... Notre monde est-il ou tout noir ou tout blanc ? N’y aurait-il pas un peu de gris dans tout cela ?
Ce matin, alors que je volais de maison en maison (on est des (supers) héros ou bien ?), la voix du médecin Baptiste Beaulieu sur France Inter transperça l’habitacle plastifié (oui mes sièges sont recouverts de housses en plastoc. J’ai fait mon Mike Gyver avec de vieilles nappes en plastiques !) de ma voiture. Je hochai la tête en grommelant entre mes dents (j’adore grommeler) que « putain, les gens étaient parfois de sacrés cons ! » en l’entendant parler de soignants qui se faisaient harceler par le voisinage afin qu’ils quittent l’immeuble où ils vivaient car les « sympathiques »voisins avaient peur d’être contaminés ! Je ronchonnai dur (« mais dans quel monde on vit ? »/« y’a des baffes qui se perdent... »/ « se faire chier à aller soigner pour se faire virer comme des malpropres ») en empruntant la petite route déserte qui se dressait devant mon bolide. Une de ces routes ornées ça et là de rares maisons. J’empruntai le chemin de droite menant à mon prochain patient et fis un signe de la main à un monsieur qui s’occupait de son jardin. Lorsque je repartis, prenant le chemin en sens inverse, je recroisai le monsieur dans son jardin. Me voyant avec mon masque et tout mon attirail (oui dit comme cela, ça peut faire flipper !) celui-ci lâcha son râteau et applaudit au passage de ma voiture... Je reniflai derrière mon masque, ayant soudainement envie de chialer devant la bizarrerie de la situation. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, le monde était passé du noir au blanc, de la connerie au respect. À la radio, Baptiste Beaulieu avait terminé son intervention et je me dis que le monde était bien triste lorsqu’il n’apparaissait qu’en noir et blanc, qu’un peu de gris, ce serait bien de temps en temps pour colorer nos vies...