La seconde d'après, cinq histoires de vie...

Publié le par La petite infirmière

La seconde d'après, cinq histoires de vie...

Première histoire :

La seconde d'après, tout a changé. Elle s'est levée, a quitté le bureau surchauffé du médecin. Elle a longé le couloir, descendu l'escalier, croisé des visages qu'elle ne voyait pas, s'est retrouvée dehors à l'air libre et a repris sa respiration comme après une longue apnée. Le soleil brulait le ciel de mille rayons et dans un besoin irrépressible de se prouver à elle-même qu'elle était encore vivante, elle a tourné le visage vers la chaleur de l'astre solaire. Elle a marché jusqu'à sa voiture, s'est installée au volant et s'est mise à pleurer. La seconde d'après avait transformé son existence, sa vie allait désormais prendre un nouveau tournant. Elle venait d'apprendre qu'une masse avait pris possession de son sein gauche.

 

Deuxième histoire :

La seconde d'après, tout a changé. Elle a entendu la voix de la femme en face d'elle qui lui disait que tout s'était bien passé. L'implantation s'était déroulée comme prévu. Maintenant, il fallait attendre, laisser la nature faire son travail même si elle avait l'impression qu'on lui avait donné un sacré coup de pouce à cette nature. Elle a entendu la femme lui dire de revenir dans quelques jours pour examiner le déroulement du processus. Un vent de panique a soufflé sur sa frêle nuque mais elle l'a chassé d'un geste de la main. Elle voulait y croire. Elle savait au fond d'elle-même que cette fois, ce serait la bonne. La seconde d'après avait transformé son existence, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Elle venait de réaliser que si le processus (la femme l'appelait ainsi) se passait pour le mieux, elle serait mère dans quelques mois.

 

Troisième histoire :

La seconde d'après, tout a changé. Elle est restée par terre, sur le carrelage froid de sa salle de bain. Elle ne pouvait pas bouger. Son bassin la faisait horriblement souffrir : une douleur aiguë qui vous prend aux tripes. Elle est restée de longues heures sur ce carrelage froid en se demandant si quelqu'un allait arriver. Elle a entendu le bruit de la clé dans la serrure. Elle a entendu sa voisine qui l'appelait. Elle a discerné d'autres voix qu'elle ne connaissait pas. Elle a pris le courage qui restait coincé tout au fond de son être et a émis un gémissement pour leur indiquer qu'elle était là, coincée sur le carrelage froid de la salle de bain. La seconde d'après avait transformé son existence, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Elle venait de regarder pour la dernière fois les murs de sa salle de bain avant que les pompiers ne l'emmènent. Après cela, ce serait d'autres murs, d'autres lieux, une autre vie dans une maison de retraite parce qu'elle ne pouvait plus rester ici.

 

Quatrième histoire :

La seconde d'après, tout a changé. Elle s'était assise sur le bord de son lit. Elle le regardait. Il ne bougeait pas, il respirait de façon désordonnée et tout son corps se soulevait comme pour attraper les dernières bribes d'oxygène qui voltigeaient dans la pièce. Sa peau était d'un blanc pâle. Elle le reconnaissait à peine. Il n'a pas ouvert les paupières et a poussé un râlement faible comme pour l'appeler. Elle lui a serré plus fort la main, a baissé les yeux pour regarder cette main amaigrie coincée dans la sienne. Lorsqu'elle a levé la tête, il était parti. Sa poitrine restait désormais figée, son souffle avait disparu. La seconde d'après avait transformé son existence, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Elle venait de vivre les derniers instants de son compagnon et savait désormais qu'elle devrait affronter la vie seule.

 

Cinquième histoire :

La seconde d'après, tout a changé. Elle est restée un moment immobile dans la minuscule salle de soins puis s'est rhabillée. Elle est entrée  dans le bureau où le médecin l'attendait. Elle devinait que quelque chose allait se jouer, là autour de cette table. Depuis de longs mois, elle luttait comme une forcenée contre la maladie, les nausées, les douleurs et la fatigue. Elle s'était battue comme une lionne et ce malgré les coups de blues, l'abattement, les doutes. Elle marchait vers le médecin comme robot aux gestes mécaniques parce qu'elle avait mis son corps en mode automatique. La peur venait d'envahir son corps tout entier et elle savait qu'une mauvaise nouvelle ne pouvait plus pénétrer en elle. Elle s'est assise en ayant l'impression d'être à l'extérieur d'elle-même. Elle a entendu au loin les mots du médecin. Elle avait du mal à percevoir ce qu'il lui disait comme si, coincée au fond d'une piscine, des litres d'eau la séparaient du médecin qui était en train de lui parler. Soudain, elle a entendu le mot "rémission" et a repris conscience des choses qui l'entouraient. La seconde d'après avait transformé son existence, sa vie allait prendre un nouveau tournant. Elle venait de comprendre qu'elle était sortie victorieuse de ce combat-là, qu'il faudrait rester vigilante mais que celui-ci en tout cas était gagné.

 

 

 

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M
Bonjour, tout à bord, félicitations, bravo pour ce métier que vous faites J'ai cherché cette lecture car ma voisine de 92 ans bientôt, aura besoin d'une infirmière tous les jours. Je prends conscience aussi que vieillir seule dans son appartement et en ville, pas évidant. Elle ne peut pas compter sur ses enfants et encore moins avec ce confinement. Le portage de repas se fera que mardi, elle est sorti de l'hopital a la veille de ce grand week end. Merci a vous d'avoir aussi ce blog sa permet de s'exprimer et de vous lire. Bon courage a vous, merci.
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