Les morts qui sourient...
Les morts qui sourient. Je pense à eux, en traversant cette longue ligne droite au milieu de la forêt, lorsque les rayons du soleil illuminent les feuilles des arbres. Eux, ce sont ceux qui se sont éteints au cours de ma vie d'infirmière, à l'hôpital et puis à domicile. Certains visages ont disparu mais d'autres sont restés gravés. Ceux qui m'ont marquée. Au début, je les comptais sur les doigts d'une main puis, au fil des années, ils sont devenus plus nombreux. Ils me reviennent en mémoire de temps en temps, comme ça, par surprise. Ils apportent avec eux, une légère brise de nostalgie et dans un soupir, je revois un visage. Je me concentre pour essayer de me souvenir de chaque trait mais le temps passe et la mémoire s'efface. Pourtant, le visage n'est jamais triste, ni en colère. Non, il sourit.
C'est comme cela que je me souviens des gens qui sont partis. Je les revois ainsi, vêtus de leur plus beau sourire. Leurs visages d'abord flous puis plus nets lorsque le sourire les illumine. Parce que c'est moins difficile, parce que voir leurs yeux rieurs enlève un peu de poids. Parce qu'un visage est plus beau lorsqu'il sourit. Il se transforme, devient plus doux. Lorsque l'on est confronté comme nous les infirmières à la maladie et à la mort, il faut "faire avec", continuer d'avancer malgré tout. Lorsque l'on perd un patient que l'on suivait depuis longtemps, avec lequel on a tissé des liens, le "faire avec" est d'autant plus difficile. Alors, se souvenir de tous ces gens en les voyant sourire, c'est une façon de les faire revivre sans la maladie.