Les morts qui sourient...

Publié le par La petite infirmière

Les morts qui sourient...

Les morts qui sourient. Je pense à eux, en traversant cette longue ligne droite au milieu de la forêt, lorsque les rayons du soleil illuminent les feuilles des arbres. Eux, ce sont ceux qui se sont éteints au cours de ma vie d'infirmière, à l'hôpital et puis à domicile. Certains visages ont disparu mais d'autres sont restés gravés. Ceux qui m'ont marquée. Au début, je les comptais sur les doigts d'une main puis, au fil des années, ils sont devenus plus nombreux. Ils me reviennent en mémoire de temps en temps, comme ça, par surprise. Ils apportent avec eux, une légère brise de nostalgie et dans un soupir, je revois un visage. Je me concentre pour essayer de me souvenir de chaque trait mais le temps passe et la mémoire s'efface. Pourtant, le visage n'est  jamais triste, ni en colère. Non, il sourit.

C'est comme cela que je me souviens des gens qui sont partis. Je les revois ainsi, vêtus de leur plus beau sourire. Leurs visages d'abord flous puis plus nets lorsque le sourire les illumine. Parce que c'est moins difficile, parce que voir leurs yeux rieurs enlève un peu de poids. Parce qu'un visage est plus beau lorsqu'il sourit. Il se transforme, devient plus doux. Lorsque l'on est confronté comme nous les infirmières à la maladie et à la mort, il faut "faire avec", continuer d'avancer malgré tout. Lorsque l'on perd un patient que l'on suivait depuis longtemps, avec lequel on a tissé des liens, le "faire avec" est d'autant plus difficile. Alors, se souvenir de tous ces gens en les voyant sourire, c'est une façon de les faire revivre sans la maladie. 

Sourire, c'est s'ouvrir aux autres. Parfois, regarder l'autre, celui qui souffre dans les yeux et lui sourire, cela vaut toutes les paroles du monde. Cela remplace alors des mots devenus inutiles parce que, quoi dire quand la maladie prend le dessus ? Il faut juste tenir la main, caresser doucement une épaule, être une présence rassurante et, sourire, pour mettre un peu de légèreté là où plus rien n'est possible. 
 
Les morts qui sourient, je pense à eux, en traversant cette longue ligne droite au milieu de la forêt, lorsque les rayons du soleil illuminent les feuilles des arbres. Eux, que je n'ai pas oublié et qui me rappellent chaque jour ce qu'être infirmière veut dire : accompagner, soulager, pallier et aussi ne serait-ce que quelques instants redonner le sourire à ceux qui l'ont perdu au milieu de leur chemin de vie. 
 

Publié dans Un brin de poésie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
J'ai gardé en mémoire pas mal de patient aussi, certaines mort m'ont choqué c'est vrai. Mais les patients que j'ai eu en libéral et qui sont décédés ne m'ont pas bouleversé autant. Mais j'avoue me souvenir d'eux avec le sourire avec une certaine tendresse.
Répondre
L
Que dire....Merci pour ce texte si vrai et merveilleusement bien écrit !
Répondre
J
J'adore vos rubriques pleines d'humour, d'amour et de tendresse. J'exerce depuis 37 ans et je ne suis oas blasée de ce travail que vous de depeignez avec fraîcheur . Bravo de tenir la barre comme vous le faites.
Répondre
L
Merci ça me touche ❤