De l'autre côté de la barrière....
Parfois, au détour d’un instant, sans vraiment s’y attendre, on passe de l’autre côté de la barrière. On n’est plus le soignant, ni le patient mais l’accompagnant. On assiste, impuissant. On attend, on croise les doigts, on prie et on espère. Surtout lorsque d’habitude, on est de l’autre côté, cette transition n’est pas toujours facile à faire. Il faut laisser de côté sa blouse de soignant, tout en gardant un œil attentif.
Dans ce service de pédiatrie, je patiente, je rassure, je stresse puis retrouve la pêche. J’assiste au défilé des soignants tout au long de la journée : médecins, infirmières, aides-soignantes, agents de services…Je ne peux que soutenir et être là. Même lorsque le pousse-seringue se met à carillonner, j’appuie sur la sonnette et appelle. Je n’interviens pas.
D’habitude, je passe aisément d’une casquette à l’autre : celle de l’infirmière et celle de maman mais dans cet hôpital, je dois mettre ma casquette d’infirmière de côté. Je prends sur moi car je ne suis pas là pour soigner. Non, je suis là pour accompagner mon enfant dans sa guérison en laissant les soignants faire leur travail.
Je les regarde s’affairer tout au long de la journée, douze heures debout, à trottiner de chambre en chambre. Bien sûr, les traits sont tirés le soir mais aucun ne laisse percevoir le moindre signe de fatigue. Je me dis que j’espère qu’il en est de même pour moi lorsque je travaille. On discute pendant les soins des conditions de travail et du reste. Ici, comme ailleurs, elles se sont bien dégradées : équipe réduite, roulement jour-nuit, changement de personnel. Le ras-le-bol est présent. Il n’est pas avoué tout de suite mais au fil de la conversation, il se fait sentir.
Je suis admirative et en les regardant, j’aime encore plus mon métier. Je ne ferai pas autre chose mais je voudrais le faire dans les meilleures conditions possibles. Pour notre bien à nous les soignants mais également pour le bien-être et la sécurité de tous les patients. Dans quinze jours, après les élections, nous verrons quel sort est réservé aux soignants. Seront-ils entendus, écoutés et surtout compris ? Permettez-moi d’en douter. En attendant de savoir à quelle sauce nous serons mangés, j’ai posé mon costume d’infirmière pour revêtir entièrement celui de maman et je suis passée de l’autre côté de la barrière pour peu de temps j’en suis sûre. Croisons les doigts pour aujourd’hui et pour notre avenir à tous…