Vingt ans ...
Novembre 1999 : fin de cours, fin de stage, fin d’année.
Le bout de papier tant attendu (ces trois ans et des poussières m’ont semblé durer une éternité) est entre mes mains. Je me tourne une dernière fois vers la façade de l’IFSI. Je ne suis plus étudiante infirmière ni étudiante tout court d’ailleurs, je suis infirmière. Je suis diplômée. Je suis infirmière diplômée.
Dans quinze jours, je ferai mes premiers pas dans un double service : soins intensifs et chimiothérapie ambulatoire. C’est un endroit que je connais pour y avoir effectué un de mes derniers stages. L’équipe est jeune et dynamique. J’ai hâte mais j’ai peur. J’ai vingt-quatre ans. Je suis toute nouvelle dans ce métier.
Avec mes copines, on parle du futur, d’un futur qui nous semble à des années-lumière : « ça fera bizarre quand on aura vingt ans de métier derrière nous ». On imagine notre vie d’infirmière vingt ans après : dans quel service aura-t-on décidé de poser nos bagages ? Garderons-nous toujours la gnaque ?
Pour moi, à ce moment-là, une évidence : je travaillerai dans un service « technique » avec un taux d’adrénaline élevé, car c’est ce qui me fait vibrer : la réa, les urgences, le SAMU ...
Novembre 2019 : fin de tournée, fin de journée, fin d’année.
Le bout de papier est rangé au fond d’un classeur tout au fond d’un tiroir. Je ne le regarde presque jamais.
Ce matin, pendant la tournée, je me suis dit que cela faisait vingt ans que j’étais infirmière et cela m’a fait le même effet qu’une bonne claque dans la gueule. J’en ai accumulé des souvenirs dans ce métier, des bons et des moins bons. J’ai traîné ma bosse dans plusieurs services. J’ai eu souvent envie de faire machine arrière ou de bifurquer vers une autre voie, surtout dans les moments où la maladie rencontrée chaque jour effaçait tout espoir.
Sur le chemin du retour je me remémore mon parcours : soins intensifs-cancérologie-chirurgie-hospitalisation à domicile- pneumologie-cardiologie-salle de réveil-libéral...Tant de collègues rencontrés, tant de visages croisés.
Je pense à mes potes de promo qui eux aussi ont tracé leur route professionnelle et personnelle : Sophie, « Boucle d’Or », Manu, Virginie, Abdel, Audrey... Tous ont pris des directions différentes de la mienne. Des parcours de vie faits de hasard et de rencontres avec un point commun : le métier qui nous unit et vingt années d'expérience derrière nous.
Je regarde derrière mon épaule pour jeter un œil à mon parcours : je n’aurais jamais pensé à l’époque faire du libéral. Cela ne m’avait même pas traversé l’esprit. Pourtant en première année un de mes tout premiers stages dans un service de soins à domicile m'avait beaucoup plu mais l'attrait des murs blancs de l'hôpital était plus fort alors j'avais chassé l'idée de travailler à domicile dans un coin de ma tête et l'avait planquée sous des couches d'autres envies.
Maintenant me voilà dans ma voiture, en plein milieu de ma tournée de soins et je me dis que le hasard et les rencontres font parfois bien les choses ...