Le côté obscur du libéral....
"CLAC", c'est le bruit de mon épaule lorsqu'elle a télescopé le sol.
"Merdouille", c'est le premier mot qui est sorti de ma bouche.
Là, ça ne sentait pas bon mais alors pas bon du tout. Ça sentait la grosse chute, le trajet aux urgences, la radio et tout le reste.
Pas le choix, allons-y : salle d'attente des urgences un samedi après-midi, il y a mieux pour passer son jour de repos. Je ne sais pas moi : shopping, hammam, cinéma, sieste. Non, là, c'est : assise sur une chaise à me tortiller de douleur, à zieuter à droite, à gauche pour voir si quelqu'un va venir me chercher. Heureusement, l'attente est de courte durée (à mon grand bonheur, peu de monde a eu la même idée que moi cet après-midi-là).
Radio, visite de l'urgentiste et verdict : luxation de l'épaule qui heureusement s'est remise toute seule comme une grande. Trop sympa, l'épaule. Du coup, je me risque à un :
"Alors, je vais pouvoir aller travailler lundi, parce que je suis en libérale, alors, vous savez ce que c'est...
- Ah, là ma p'tite dame, n'y comptez pas trop. Il faut que votre épaule soit au repos au minimum une semaine voire plus si c'est douloureux."
Oh, ça va aller, j'en ai vu d'autres. Elle est coriace la bestiole.
Oui mais coriace ou pas, j'ai bien dû me résoudre à ne pas aller bosser le lundi en question parce que mon épaule était aussi raide qu'un manche à balai avec la même capacité de mouvement qu'un bras de playmobil.
Dans ce cas, on remercie le ciel de travailler à plusieurs. Sinon, au mieux on trouve un chauffeur pour nous conduire, porter notre valise et faire les soins à notre place (" Nestor, le pansement, plus vite que ça !" Quand je pense chauffeur, je pense Nestor, allez savoir pourquoi !), au pire, on est vraiment dans le caca.
Cela, sans compter les "mais tu vas quand même t'arrêter" que l'on entend à longueur de journée. Oui, je vais m'arrêter parce que je n'ai pas le choix mais sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, la sécu nous prend en charge qu'après quatre-vingt-dix jours et ma prévoyance qu'au bout de quinze jours. Alors, m'arrêter quelques jours je veux bien mais il ne va pas falloir que cela dure trop longtemps.
Par précaution, j'ai tout de même demandé un dossier à ma prévoyance. Au bas mot, cinq pages à faire remplir par mon médecin traitant avec tous les documents à fournir. J'ai la désagréable impression de devoir démontrer par A + B que je suis dans l'incapacité de travailler. Et tout ça, malgré les 100 euros qui me sont gentiment ponctionnés tous les mois.
Bienvenue dans le côté obscur du libéral : celui qui prélève mais ne paie plus, celui qui angoisse, celui qui montre que la liberté à un prix et que l'on peut le payer très cher. Souvent, j'entends des : " oui, mais toi en libérale, tu gagnes bien ta vie !" Bien ma vie, bien ma vie, si je fais des heures oui mais sinon, on est prélevé comme des vaches à lait avec quoi en retour, une semaine sans travailler au frais de la princesse. Et la princesse, je n'en vois qu'une ici : moi.
Je ne dirai qu'un mot : le libéral c'est bien, à condition d'être physiquement au top of the top. Sinon, toi aussi tu connaîtras le côté obscur de la force !
Petit épilogue: j'ai repris le chemin de mes patients après une semaine de repos forcé, une bonne vieille douleur résiduelle pour compagnie. Depuis, je n'ai qu'un souhait : "faites que je ne devienne pas une Jackie Peyton (de la série Nurse Jackie) accro aux antidouleurs, prête à tout pour pouvoir aller bosser dans de bonnes conditions !!!!"