Le stage...
Ces deux derniers jours, point de tournée, encore moins de pansements, de sous-cutanées, de « bonjour, c’est la petite infirmière ». Non, et pourtant, à la place, il n’y a eu ni loisir, ni bisous à mes enfants, ni farniente. J’ai troqué ma blouse d’infirmière libérale contre celle, nettement moins confortable de « délinquante de la route ». Mon quottât de points de permis ayant fondu comme neige au soleil, j’ai dû reprendre le chemin de l’école ou plutôt celui du stage de récupération de points. Attention, je ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières. Je suis responsable de mon capital point. Seule circonstance atténuante, les 70000 kilomètres parcourus à l'année. Je sais, ce n’est pas une excuse mais quand même, on a plus de risque de se faire flasher en faisant 250 kilomètres par jour quand allant chercher son pain au coin de la rue !
Je me rends donc ce vendredi matin à mon premier jour de stage. Sept heures à rester assise, le cul vissé sur une chaise, ça vous motive une petite infirmière ! Nous sommes une dizaine, beaucoup plus d’hommes que de femme. Seuls, un autre stagiaire et moi, découvrons les lieux pour la première fois. Les autres, sont des habitués qui ont deux, trois (voire plus) stages à leur actif. Les profils sont différents : des chefs d’entreprise, des commerciaux, des routiers. Tous travaillent et « roulent » beaucoup. Je suis une petite joueuse avec mes 70000 kilomètres par an. Aucun conducteur du dimanche. Non, pour chacun, la route est synonyme de gagne-pain. C’est ce qui nous lie. La route et le fait d’être là sans l’avoir choisi. Ce sentiment de devoir utiliser deux jours entiers alors que le temps est précieux pour chacun d’entre nous.
Les deux animatrices (une psychologue et une spécialiste de la sécurité routière) font ce qu’elles peuvent. Elles ne sont ni sympas ni désagréables. Elles font le job. Armées de stylos, de feuilles blanches et de marqueurs, elles tentent de nous faire intégrer la notion de « sensibilisation » alors que chacun ne pense qu’à une chose : récupérer ses 4 points. C’est à la fois étrange et pathétique. Les activités demandées sont à mille lieux de ce que j’imaginais : étudier des graphiques, résumé des schémas…tout cela en petits groupes de deux ou trois. Aucune révision du code de la route (ce qui ne serait pas de trop), ni d’images chocs (ce qui pourrait faire réfléchir). Retour à la case école, les deux animatrices ayant pour mission de nous remplir la tête à grands coups de discours moralisateurs. Elles sont là pour cela, s’adresser aux « stagiaires » comme à des débiles qui ont fauté. Je le sais que j’ai fauté. Les autres aussi. Pas la peine de nous traiter comme des neuneux !
Pourtant, le stage pourrait être intéressant. Il devrait être fait d’enseignement, de révision, de prise de conscience pour comprendre pourquoi les mauvaises habitudes de conduite s’installent au fil du temps. Au lieu de cela, il ne reste que la désagréable sensation d’être puni, d'avoir dépensé 200 euros pour rien. Et cela entraîne un sentiment de colère et d’injustice qui ne fait qu'accentuer l'impression d'inefficacité. Il n'y a qu'à compter le nombre de stagiaires récidivistes (8 sur 10 pour ces deux jours, qui ont déjà effectué un ou plusieurs stages auparavant) !
Malgré les heures qui défilent au ralenti, les échanges avec les autres stagiaires sont enrichissants et plutôt drôles. Chacun y va de sa petite histoire. L’ambiance est détendue et le temps passe doucement mais sûrement.
Le deuxième jour arrive. On se connaît mieux. Tout le monde se tutoie et on s'appelle par le prénom. Les personnalités se découvrent petit à petit : il y a le presque retraité qui continue à travailler, le chef d’entreprise grande gueule au cœur tendre, la commerciale qui veut lever le pied parce que ses enfants lui disent qu’elle roule trop vite, le routier qui n’en peut plus du rythme imposé et qui souhaite se reconvertir. Ils sont à mille lieux les uns des uns et tous différents de moi et pourtant une chose nous lie : le speed du quotidien, rouler vite pour assurer les livraisons, pour avoir le contrat et les clients qui vont avec, pour garder son job, pour finir sa tournée. Le stress de la route est dans toutes les têtes. Ce n’est pas une excuse, bien sûr. Le fait de travailler avec son véhicule ne doit pas donner un sentiment d’impunité, c’est certain. Pourtant, tous sans exception dans ce stage sont des consommateurs de bitume.
Malheureusement, nous sommes réunis dans cette salle depuis deux jours, à écouter les deux animatrices et leur leçon de morale à rallonge et le sentiment qui ressort à la fin c’est : à quoi sert ce foutu stage, sinon à nous donner l’impression d’avoir perdu deux jours ? Cela pourrait être tellement mieux. J’aurais apprécié de réviser le code. J’aurais bien aimé que l’on me donne des outils pour améliorer ma conduite. Car c’est bien cela le but, ne pas revenir. Ne plus perdre de points en respectant les limitations de vitesse et le code de la route. Prendre conscience que rouler vite, ne me fera pas gagner de temps. Pourtant, à aucun moment, je n’ai eu le sentiment d’apprendre quelque chose durant ces quatorze heures de stage. Enfin, si, une chose pour laquelle j’essaierai de faire plus attention : ne plus perdre de points afin de ne pas m’infliger à nouveau ces deux longs, très longs jours de stage. C’est bien dommage…