Finir en avance...ou pas !
Il y a une règle à respecter lorsque l'on est infirmier : ne jamais, au grand jamais penser que l'on va pouvoir terminer plus tôt.
Plus les années passent et plus je m'interroge : y aurait-il une malédiction ? Un mauvais sort aurait-il été jeté ?! Parce que quand même, il y a de quoi se poser des questions ! Il suffit de se dire : oui, peut-être qu'aujourd'hui, on va caresser l'espoir de débaucher un chouïa en avance pour qu'au contraire, les catas s'enchaînent et que l'on rentre avec une bonne heure de retard ! Et c'est valable en hospitalier comme en libéral car comme chacun sait lorsque l'on est infirmier : on sait quand on commence mais on ne sait jamais quand on finit !
Ce n'est pas faute de l'avoir vécu des dizaines de fois. Pourtant, je me risque encore à des prévisions dignes d'une Élisabeth Teissier survoltée !
Tiens, par exemple, pas plus tard qu'hier soir, toute guillerette, je passe un coup de téléphone à super-nounou pour lui annoncer pleine d'entrain que je compte récupérer les enfants un peu plus tôt. Deux patients sont hospitalisés, ce qui allège d'une bonne demi-heure la tournée. Et bien, qu'est-ce que j'avais pas dit là ?! J'aurais mieux fait de fermer ma grande bouche à double tour et de jeter la clé parce que la tournée du soir a pris illico presto des allures de film d'horreur (Freddy Krueger, sors de ce corps !). Je ne savais plus si je devais rire ou pleurer parce que plus rien ne se déroulait comme prévu :
Tout d'abord, je trouve porte close chez un patient particulièrement isolé. J'avais beau sonner, personne ne venait ouvrir. Hé oh, y'a quelqu'un ? Zut, flûte, crotte, obligée de repasser un peu plus tard. Le genre de truc qui fait monter d'un cran mon "çameprendlechoumètre" !
Sans oublier, le téléphone qui n'arrête pas de sonner avec à la clé quelques soins supplémentaires comme on les aime :
-"Oui, bonsoir la petite infirmière, je sors juste de l'hôpital. Si vous pouviez venir pour mon anticoagulant. Ah non, suis pas allé à la pharmacie, je pensais que c'est vous qui y passiez." Ben, voyons !
Et le téléphone qui continue de plus belle. Pourtant, je l'aimais bien la b.o d'Interstellar au moment où je l'ai téléchargé sur mon téléphone. Maintenant, rien que d'entendre les premières notes, j'en ai des sueurs froides !
Allo la secrétaire de la petite infirmière, j'écoute...Ah non, suis quiche, c'est moi la petite infirmière ! Enfin, je me dis que, si au moins un jour j'en ai marre d'être infirmière, je pourrais toujours devenir standardiste !
Au fil de la tournée et déjà bien en retard, je découvre (après un interrogatoire digne de l'inspecteur Colombo) qu'un monsieur chez qui je me rends tous les soirs s'est fait poser une sonde urinaire :
- "mais vous avez une sonde ?
- oui, suis allé aujourd'hui mais ce n'est pas une sonde, c'est un tuyau !"
Ah, Okkkk ! Ça va être très, très long !!!
N'oublions pas dans ces moments-là où déjà bien agacée, on a tendance à appuyer sur le champignon, la voiture devant qui ne veut définitivement pas avancer et que l'on ne peut pas doubler non plus (les nerfs, j'vous dis, les nerfs !).
Pour couronner le tout et ajouter un seau de cerises sur le gâteau, en arrivant chez le dernier patient, toute échevelée et très en retard, je reçois en guise de bonsoir un "ben, vous êtes pas en avance ce soir !"
Nom de diou de nom de diou, y'à des jours où quand ça veut pas, ça veut pas.
Après toutes ces péripéties, j'arrive enfin chez super-nounou avec une bonne heure de retard. "Désolé, suis en retard !" Là, les trois fleurs et super-nounou me regardent et me lancent en rigolant un " on s'en doutait..." qui me fait retrouver le sourire.
Décidément en libéral, tu sais quand tu commences, mais tu ne sais jamais quand tu finis !
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