La lettre au lendemain...
Monsieur le Président, vous voilà élu. Fraîchement élu même et je tiens à vous faire part de mon inquiétude.
Je ne fais partie d’aucun parti. Je ne suis, en aucun cas, spécialiste politique.
Non, je fais partie de ceux que vous croisez dans un couloir des urgences quand, fébrile, vous attendez depuis des heures en espérant qu'enfin on viendra s'occuper de vous.
Je fais partie de ceux qui sont à vos côtés lorsque vos yeux s’ouvrent après une intervention chirurgicale, ceux-là même qui vous soulagent lorsque la douleur se réveille en même temps que vos membres commencent à bouger.
Je fais partie de ceux qui viennent à votre secours lorsque vous pressez la sonnette parce que la maladie prend le dessus sur tout le reste. Je suis de ceux qui vous ramassent lorsque vos jambes ne vous portent plus. Je suis de ceux qui tiennent le haricot lorsque vous vomissez tripes et boyaux après votre traitement de chimiothérapie. Je suis de ceux qui changent vos draps lorsque vous n'avez pas eu le temps ou la force de prendre le pistolet pour uriner.
Je fais partie de ceux qui vous lavent, qui vous aident à manger, qui vous portent lorsque votre monde est désormais réduit aux quatre murs d’une maison de retraite.
Je fais partie de ceux qui vous tiennent la main lorsque plus personne n’est là. Je fais partie de ceux qui restent à vos côtés lorsque vous poussez votre dernier souffle. Je fais partie de ceux qui lavent votre corps lorsque toute trace de vie s’est envolée.
Je fais partie de ceux qui frappent à votre porte le dimanche soir et les autres jours aussi et qui viennent vous soigner par tous les temps et en toute saison. Cela s’appelle la continuité des soins.
Je fais partie de ceux qui vous aident à faire votre toilette au bord du lavabo en prenant soin d’utiliser votre savon préféré et votre eau de toilette parce que ces petites choses, c’est tout ce qui vous reste de dignité.
Je fais partie de ceux qui prennent le temps de vous écouter sur le pas de la porte alors que la journée est loin d’être finie parce que pour vous, la coupe est pleine et que vous avez besoin de vider votre sac.
Je fais partie de ceux que l’on appelle soignants.
Je fais partie d’eux et c’est pour cela que je m’inquiète aujourd’hui. Parce que notre profession souffre ; que ces dernières années, elle semble d’autant plus oubliée, délaissée et malmenée. Parce que notre travail à nous, c’est prendre soin de vous. Parce que nous voulons faire notre travail sereinement que ce soit à l’hôpital, dans les maisons de retraite, dans les cliniques privées ou à domicile. Parce que nous voulons être reconnus comme il se doit, comme ceux qui vous soignent. Personne ne sait de quoi l’avenir sera fait, n’importe qui peut un jour se retrouver coincé dans un lit d’hôpital. Même vous….